19/07/2007

Comment j'appris la danse de la pluie

Tu sais, lorsque j'étais gamine, j'avais un don inné pour me mettre dans le trouble comme on dit. C'est pas que je cherchais les problèmes, mais c'est comme si les problèmes eux-mêmes me trouvaient. Mais je ne m'en plains pas, ça me fait plein de belles histoires à raconter aux enfants. Je t'ai déjà raconté comment j'avais appris la danse de la pluie? C'est une belle histoire tu sais!

Jeune, j'avais un frère. Oh! La guerre, je ne te dis pas. Toujours en train de nous chicaner, mais ça ne voulait pas qu'on dire qu'on ne s'aimait pas, on était juste trop orgueilleux pour laisser l'autre avoir raison de temps à autre! Ça nous empêchait pas de jouer ensemble par contre. Et derrière chez moi, il y avait un sous-bois. Le même sous-bois où j'ai chevauché Victor, le chat noir de Dame Nature pour lui rapporter sa baguette, mais ça, c'est une autre histoire que je te raconterai si tu es sage la prochaine fois. Nous y jouions souvent dans ce sous-bois. Ce n'était pas très grand, mais bien assez pour y faire des follies et laisser aller notre imagination!

On prenait toujours les mêmes sentiers : on n'avait pas vraiment le choix, il n'y en avait pas des milliers! Une fois, on a remarqué un sentier qui passait sous les sapins. Jamais je n'étais passé par là. Jamais. Je regardais mon frère qui ne semblait pas plus que moi savoir où ça menait. On était pas mal dégourdis pour notre âge: il a suffit d'un regard pour que nous prenions le sentier sous les sapins.

Nous avons dû marcher tête baissée pendant quelques temps, parce que le sentier était vraiment SOUS les sapins... tellement sous les sapins, qu'il faisait très noir. Tellement noir que nous ne nous étions même pas rendus compte que le sentier passait SOUS terre, pas juste sous les sapins. Nous nous sommes donc enfoncés sous terre. Bientôt, heureusement car mon frère avait peur du noir, mais pas moi, je n'ai jamais eu peur du noir, jamais, jamais... tu me crois, n'est-ce pas? Donc, bientôt, nous vîmes un peu de lumière et nous nous sommes dirigés vers elle et nous avons enfin pu revenir au soleil. Mais le spectacle qui s'offrait à nous était désolant.

Plein de gens allaient en se tenant la tête et en pleurant. Mon frère et moi, on ne savait pas trop quoi faire. Mon frère fonça et osa demander à quelqu'un ce qui se passait. La personne nous expliqua qu'il n'avait pas plu depuis des mois... la terre était déséchée et ne produisait plus de légumes, de céréales, de fruits; la végétation était en train de mourir. On leur demanda pourquoi ils n'arrosaient tout simplement pas. Leur réponse m'étonna...

"Nous sommes un peuple qui nous fions toujours à la Nature pour répondre à nos besoins. Habituellement, nous lui faisons une danse afin qu'elle accepte de nous envoyer l'eau nécessaire. Mais, notre danseuse est malade depuis des mois et est incapable de faire la danse de la pluie. Personne d'autre qu'elle ne peut la faire. Nous la connaissons toute cette danse, mais personne ne dégage assez de magie pour faire tomber la pluie."

"Je peux essayer, peut-être que j'ai de la magie, dis-je. Ma mère me dit souvent que je suis sa petite sorcière. Apprenez-moi la danse!" Ce qu'ils firent. Lorsque je sus la danse, je l'exécutai telle qu'apprise. Et miracle! La pluie commença à tomber. Ils me remercièrent et mon frère et moi retournâmes par le sentier sous les sapins, juste à temps pour souper.

Il mouillait aussi de notre côté du sapin. En fait, il n'arrêta pas de mouiller pendant des jours, des semaines... Des inondations se préparèrent et finalement, les eaux s'emportèrent, sortant de leurs nids et rayant de la carte des maisons, des rues, des pancartes. Tout était sous les flots. Désespérée, je me sentais mal : c'était ma faute, j'avais fait la danse de la pluie. Je devais faire quelque chose.

Je fis alors la seule chose brillante auquelle je pensai : j'allai dans les bois pour retrouver le sentier sous les sapins. Ce ne fut pas facile, je dus nager dans le sentier tellement il y avait de l'eau. Je n'étais pas une très bonne nageuse en plus, j'ai eu peur de me noyer! Heureusement, le sentier n'était pas long et je parvins à resortir de l'autre côté. Les gens se promenaient en radeau, en canot, en bateau, comme ils pouvaient, mais pas sur leurs pieds. Je me sentais vraiment gênée d'être de retour. Soudain, on m'aperçut.

"Te voilà! Enfin! dit une gamine. Je suis la danseuse. C'est moi qui fait venir la pluie, mais aussi le soleil. Après ton départ, j'ai fait ma danse du soleil, mais sans succès. Il semblererait que la personne qui fasse la danse de la pluie doive aussi faire celle du soleil."
"Apprends-la moi, lui dis-je. C'est l'apocalypse de l'autre côté aussi. Il faut agir."

Je te raconte comment faire, exactement comme la danseuse me l'a appris. C'est très simple. Toi aussi, tu peux l'essayer, ce n'est pas une danse aussi dangereuse que celle de la pluie, quoiqu'en certains pays, parfois, des enfants la font trop et ils ont des sécheresses, mais ici, au Québec, ça ne fera pas de tort. Tu dois voir un soleil immense en toi. L'imaginer prendre toute la place. Ressentir sa chaleur. Ensuite, tu dois sourire comme si tes dents laissaient passer les rayons du soleil. Si tu le fais correctement, le soleil devrait se pointer.

Naturellement, j'ai réussit à le faire et le soleil est apparu. Tranquillement, les choses sont revenues à la normale. Mais depuis, je ne fais plus la danse de la pluie. Et ne compte pas sur moi pour te l'apprendre, la danse du soleil est bien suffisante, ça fait des gros dégâts la danse de la pluie. Tu as entendu parler du déluge du Saguenay? Hé, bien, je n'ai jamais trop compris pourquoi ce nom, parce que je sais qu'en fait, il devrait porter mon nom ce déluge! Mais bon, je ne suis pas allée m'en vanter d'avoir presque détruit la moitié du Québec...

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